LEVEZ L'ENCRE Ateliers d'écriture réservés aux lycéens et + |
| | Lettres de l'après. | |
| | Auteur | Message |
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Zois'O Passager
Messages : 531 Birthday : 09/07/1912 Âge : 111 Où suis-je ? : Sur les eaux calmes et prospères des divinités-parchemin
| Sujet: compliquey Jeu 25 Aoû - 20:45 | |
| - Les mots sont mous mais le meilleur est à l'intérieur:
Quelques mots rocheux te glissent dans la gorge. Ton crayon fait des tourbillons. Tout est là dans l’encre qui va s’échapper de ton stylo. Tu ouvres les vannes.
Les souvenirs s’élancent. Tu crains que tes phrases n’en fassent des insectes épinglés dans une vitrine. Il y en a, pourtant, des spaghettis bolognaise, des tartiflettes végétariennes, des matelas-sur-lesquels-tout-le-monde-marche-et-sur-lesquels-tout-le-monde-dort, des trafics de frontales et de gels douche biodégradables, des serviettes suspendues au-dessus du feu de bois, des ardoises à l’ordre du jour, des pots de peinture et des pizzas au four.
Jour un. Nous explosons de joie dans le dortoir. Les lumières s’endorment sur des fils suspendus au-dessus de nos têtes, pareilles à nos corps allongés. Le ciel est ouvert ou couvert par des rideaux. Val est un peu là, lu à voix haute. Il dit que dans le noir tout s’anime. En ce qui nous concerne, il n’a pas tout à fait tort car les nuits là-haut semblent être des deuxièmes jours. (Il faudrait mentionner la sticho où la pluie est corrosive et où soudain tout devient dépit – mais ce serait trop choupinou.)
Le matin ne revenait pas à la même heure pour tout le monde. Les douches s’allumaient tôt pour ceux qui s’étaient endormis la veille (team cra-cra, dénoncez-vous !). Certains s’extirpaient du désordre du sommeil pour manger – notre principale occupation. D’autres restaient, sinon à l’intérieur de leurs songes, dans ceux de leur duvet et n’émergeaient que lorsque l’estomac collectif sonnait l’heure du repas – entre le midi et le goûter. Levez l’Encre vivait au rythme de ses petites aiguilles temporelles.
Tu te souviens au petit déjeuner quand, frissonnante, une What a basculé la porte d’entrée pour te montrer le soleil. Dehors, c’était les montagnes. Le ciel formait un delta bleu qui continuait vers l’infini. La forêt qui descendait occupait tout l’espace devant et, plus près, des ardoises comme de grandes dalles pétillantes où allonger des aquarelles. Nous nous assîmes.
Ce refuge – Anna pour les intimes – est le deuxième bateau de Levez l’Encre. On l’atteint non pas en traversant une passerelle mais en grimpant un chemin escarpé. Foule de marins robustes n’y sont pas parvenus : l’accès se fait la plupart des temps en souffrant, sinon au terme d’une heure de lutte intense contre son propre organisme. La première montée fait pleurer les guiboles mais, heureusement, c’est le genre de sentier à faire plus de mal que de peur.
Le chalet est grand. Deux pièces sont occupées par les navigateurs : La cuisine-salle-à-manger-séchoir-atelier au rez-de-marée et le dortoir sous les toits. Entre les deux, des étages trois quart et des escaliers en verticale.
L’eau est notre première ressource. Elle coule du haut vers le bas et nous la puisons à la source, le robinet. En dehors de son utilité évidente en termes de navigation, elle nous apporte de quoi faire chauffer ce qui est froid (les pâtes), amollir ce qui est dur (les pâtes), et diluer ce qui est dense (les sirops magiques de Guyane). C’est la matière de nos ex-péditions au torrent où il faut monter pied nu et user de ses doigts comme des griffes pour agripper la pierre.
Des convois spéciaux partent régulièrement pour ravitailler les troupes. Leur mission est de revenir vivants de leurs allers-retours les sacs pleins. Partant frais, revenant en brûlant, ils sont fatigués mais incroyablement bien accueillis par la communauté. C’est la rando du jour.
Toutes ces ailes et ces îles, tu les admires sans faire exprès. Fascination face à leur envie d’entreprendre et celle de matérialiser leurs idées insensées pour en partager les sourires. Être avec eux, c’est voir le temps sauter de dimension et sentir l’espace prendre du relief. C’est rester là un instant et goûter avec délice tout ce qui passe. C’est la sensation d’avoir vécu beaucoup trop pour que le cerveau ne s’en souvienne – et ça explique les cœurs lourds.
Donc conclure pour éclore : Il reste des chemins à parcourir et tu sais que tu as envie de les y retrouver.
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| | | Anaël Commandant de Bord
Messages : 1828 Birthday : 21/01/1995 Âge : 29 Où suis-je ? : En Italie.
| Sujet: Lettres de l'après. Dim 28 Aoû - 8:40 | |
| _____Un jour, pendant un court instant de lucidité, mon âme incrédule a compris qu’elle était en train de vivre ce qu’elle avait attendu pendant près d’un an. Et là, je me suis dit : voilà ma place. Voilà ce que j’ai toujours cherché, voilà ma seconde famille voilà mes amis. Quand j’y repense, il y avait toute une bande de curieux individus : entre la tête flegmatique de Fred (qui a aussi une main et des pieds), les jambes couvertes de bleus d’Eli la danseuse casse-cou qui n’est pas moins folle que moi, les plumes virevoltantes d’El Chameleon, dieu des couleurs, de l’enthousiasme et des chasses au trésor qui descendit la montagne en deltaplane et les sortilèges de la maman-sorcière qui allumèrent le feu, grillèrent les chamallows à point (ce n’est que cette semaine que j’ai découvert le véritable et génialissime goût caramélisé des marshmallows grillés ; révélation *-*), guérirent les brûlures à force d’huiles essentielles et transformèrent les restes de pâtes en un festin fabuleux, imaginez-vous le soulagement quand nous sommes arrivés au mot-secret de Julie qui nous attendait gentiment après cinq heures de via ferrata, tel un glorieux messager des cookies et des bouteilles d’eau !
_____Je me rappelle des escapades de l’enfant-gazelle sauvage partie défier l’horizon avec le maître ninja et l’homme aux longs cheveux capable de lire la lettre du Piaf sur l’air des Inconnus et de sauver des œufs qu’on avait laissés trop longtemps sur le feu parce qu’en altitude, l’eau bouillante est moins chaude… Malheureusement, on n’a pas pu les suivre jusqu’au bout parce qu’on avait mangé trop de piment dans la rivière ! Je vis encore les quelques impros mémorables qui naquirent spontanément dans l’océan de matelas, je vois Gaëtan Maran monter pour aller chercher ses tongues alors que le bateau se transformait en colonie de vacance ou nous rouler dessus avec force et détermination après avoir pris une « minuscule » au tarot, je m’imagine What en train de faire des « petits pas, petits pas » pour descendre la vertigineuse montagne tandis que le mystérieux photoreporter itinérant aux multiples visages immortalise les scènes les plus improbables et que la frêle et innocente Tildu, que je croyais inoffensive, annonce joyeusement mon décès dans la rubrique nécrotique…
_____À vous deux qui n’avez pas pu venir cette année, je ne peux vous décrire les souvenirs les plus purs, les plus intenses et les plus mémorables : eux surgissent dans la spontanéité d’un rire, dans la complicité d’une conversation, dans les vingt-et-une bougies qu’on a réussi à placer sur un petit muffin, dans la surprise d’une coupure de courant, dans la folie des gens de Levez l’Encre qui vont jusqu’au bout de leurs idées farfelues. Je peux seulement vous dire que Lanchâtra a été à la hauteur (voire beaucoup plus haut, trop haut, même) du Défoujac, même si nous n’avons pas beaucoup exploité le bureau d’en face qui s’y était déplacé tout exprès pour se transformer en bureau du milieu. En tous cas, j’espère de tout cœur vous revoir lors de notre prochaine rencontre !
Avec toute l’affection que je vous porte, Anaël, ex-commandant de bord déchu de ses fonctions suite à une soirée crêpe qui a mal tourné.
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