Venir dans un cimetière est déjà effrayant; mais y venir de nuit l'est encore plus... Je m'avance à la lueur de la pleine lune, d'inquiétantes ombres se dessinant autour de moi. Au départ, je voulais juste me promener à la lueur des étoiles, mais en passant près du cimetière, l'étrange idée m'était venue d'y faire un petit tour... Seulement, maintenant, dans ce froid, avec le vent qui effleure ma peau et la fait frissonner, je dois l'avouer : j'ai peur. Des bruits étranges me parviennent aux oreilles, l'angoisse m'étreint. Un frisson me parcourt le dos et je tressaille. Je mets mes bras tout autour de moi, comme pour me protéger. Il fait tellement sombre que je n'y vois pas à deux pas. Un bruit, répétitif, attire alors mon attention... Une sorte de "tic-tac", oppressant, envahit l'atmosphère. Ça vient de la droite, non, de derrière ! Des bruits de pas viennent s'ajouter au "tic-tac" : cette fois-ci, je ne suis plus seule... Je regarde autour de moi et commence à paniquer... Je ne peux plus rien faire. Désespéré, je m'abandonne à mon sort. Je le sais, je le sens pourtant, il me le dit, mais pourtant... Non, ce n'est pas possible, je ne peux pas mourir, pas maintenant, pas comme ça, pas aujourd'hui ! Pourquoi je suis sortie cette nuit, déjà ? Pourquoi ?! Qu'est-ce qu'il m'a pris de vouloir aller dans ce cimetière ? Non, je le sais, je ne peux pas mourir, pas maintenant, pas si tôt et surtout pas sans comprendre ce qui m'arrive. Qu'est-ce qui m'aspire autant ? D'un seul coup, je me relève, je regarde autour de moi, je ne comprends pas mais je m'en moque : il ne me reste plus qu'une chose à faire. Je dois partir, loin d'ici. M'enfuir et ne plus jamais revenir. Sans même dire adieu à tout ce que je laisse ici. Je commence à courir, ma respiration s'accélère, des sueurs froides me parcourent le dos... Soudain je me rends compte d'une chose : ma peau est translucide. La raison de cet étrange phénomène me vient en tête mais je n'ose pas l'admettre. Je le savais que je n’aurais pas dû, pourtant, je le savais, voilà mon châtiment ! Non, non, non, ce n'est pas possible, je ne suis pas morte, je n'y crois pas ! Je deviens folle, je ne sais plus ce qu'il se passe ... Voilà ce qu'il m'en coûte de me balader dans un cimetière en pleine nuit ! Quelle idée aussi, oh oui alors, quelle idée ? J'aurai du me douter qu'après ce que j'avais fait, je serai punie. Je sens un terrible poids sur ma poitrine. J'ai une soudaine envie de pleurer, je me sens partir mais il y a toujours cette voix qui résonne. J'ai envie de savoir ce qu'est cette voix et ce qu'elle signifie mais je n'en ai pas vraiment la force. Je suis fatiguée, exténuée... J'ai l'impression de traîner quelque chose d'énorme, d'immense... Je me recroqueville sur moi-même et commence à perdre l'équilibre, lentement... J'ai l'impression que le monde s'éteint, que d'étranges créatures viennent me chercher ou me hanter. Des souvenirs que je croyais enfouis au plus profond de moi font soudainement surface. Il y a des choses que j'avais oubliées mais que la mort semble vouloir me rappeler, comme pour me punir d'être venue la chercher. Je...je n'en peux plus de ces souvenirs, et je n'en veux plus! Elle a l'esprit enfumé d'un épais brouillard noir: l'un des plus sombres souvenirs refait surface, juste assez de temps pour raviver la douleur. Ce souvenir m'étais sorti de la tête, je comprends maintenant pourquoi je me retrouve dans cette situation. C'était l'alcool qui m'avait fait sombrer dans cette histoire. Mon dieu, je suis folle! Ou bourrée peut être... Mais non, je suis lucide, incroyablement lucide, et je me souviens parfaitement de cette nuit. C'était, en effet, une des nuits où j'étais sans doute la plus saoule. Il est vrai que j'ai bien bu et mon esprit est tout chamboulé par l'alcool. Je... j'ai l'impression de mourir. Mon esprit disparaît, calmement... bizarrement, je n'ai plus peur : je suis sereine. Sereine est peut-être un bien grand mot, mais au moins, Halloween est passé. Halloween... une fête complètement idiote et qui ne m'a jamais fait peur jusqu'à aujourd'hui. Il faut dire que, jusqu'ici, on ne l'avait jamais réellement fêté. Alors, cette fois-ci, ils avaient mis le paquet, ici même, dans ce cimetière… tu parles d'une bonne idée ! Je trouve cela complètement idiot, il y a d'autres endroits pour fêter Halloween ! D'autant que tout le monde sait que le chauffage, dans les cimetières, aux alentours de minuit, ça laisse à désirer. Il faisait froid, il faisait noir, les gens déguisés étaient véritablement terrifiants et s'amusaient à se cacher dans les plus sombres recoins pour surprendre les âmes les plus sensibles.
Evidemment, j'étais la seule à ne pas m'être déguisée et je me sentais étrangère. C'est que je n'avais jamais vraiment aimé les déguisements. Je m'avançais parmi tous ces gens, ces monstres, ces sorcières, ces vampires et ses squelettes... Je fixais simplement une tombe dans le lointain en faisant mine de ne pas les voir. Il y avait des craquements un peu partout, des hurlements, des cris de douleur... Le cimetière était sombre, très sombre et j'avais du mal à m'y retrouver. Mais celle que je cherchais était bien là, pourtant ! Je vis cette tombe auprès de moi, et les silhouettes menaçantes qui m'entouraient s'effacèrent. Elle était là, enfin, sous mes yeux : ma propre tombe. La vision disparaît et me reste l'évidence : je suis morte.